Deux conférences pour deux projets de recherche

⚫️ 17h30 | Présentation "Laboratoire miroir" par Pierre Daniel 

Professeur à l'ArBA-EsA

Que l’on soit à Kinshasa ou à Bruxelles la question coloniale n’apparait pas de la même manière dans la ville et notre quotidien mais elle est omniprésente sur les deux territoires. L’histoire coloniale commune laisse des traces et a des conséquences socio-culturelles qui ont encore des répercussions aujourd’hui. Nous sommes toustes  concerné.e.s par ce passé qui implique de nombreuses conséquences dans notre présent. Partant de ce constat, comment « agir dans son lieu » (pour reprendre Edouard Glissant dans sa philosophie de la relation) ?

Ce projet a plusieurs particularités. Il s’agit d’une histoire commune à deux territoires éloignés. Les gens impliqués ont un point de vue différent dû à leurs expériences personnelles. La distance oblige à un travail collectif où les déplacements et les rencontres physiques sont souvent impossibles. La communication se fait donc par l’intermédiaire d’écrans et elle est fragilisée par la connexion internet. La collaboration s’effectue entre deux écoles d’arts qui ont chacune leur histoire spécifique qui se sont parfois croisées et rencontrées. C’est aussi un projet collectif à prolonger (suite au travail de module “histoire de miroirs” avec Prisca Tankwey, Paulvi Ngimbi, Castelie Yalombo, Juliane Lusson et Nora Fluckiger Zemmouri), à construire et à expérimenter de manière horizontale avec un groupe d’étudiant·e·s.

A partir de ces différents éléments comment peut-on articuler quelque-chose collectivement en partant de son contexte, son territoire et en interrogeant une culture qui s’entrecroise ? En tant qu’artiste, en tant qu’étudiant.e, en tant qu’enseignant.e comment composer avec ce passé colonial qui porte une grande violence ? Comment peut-on créer des formes, des histoires, des imaginaires qui permettent d’interroger notre passé, notre présent et notre futur ? En axant la réflexion depuis le lieu où l’on se situe, l’expérience que l’on a de la question et les résurgences qu’il y a dans notre quotidien, quel projet collectif pourrait permettre de déconstruire et reconstruire nos imaginaires ?

Le laboratoire réfléchira autour de ces questions tout en restant ouvert à différentes vagabondages, expérimentations et dérives.

 

⚫️ 18h | Conférence "Le Musée Métabolique" par Dr. Clémentine Deliss

Guest Professor, KANAL- Centre Pompidou at royal Academy of Fine Arts, Brussels
Professeure invitée, KANAL- Centre Pompidou à l'Académie royale des Beaux-Arts, Bruxelles

Dans sa conférence, Clémentine Deliss, proposera un modèle de musée métabolique fondé sur la réanimation de collections dites secondaires et de fonds de recherche universitaires désuets. Effectuer une recherche artistique décoloniale sur les collections muséales ou universitaires, c'est travailler avec différentes thérapies de remédiation. Car si les symptômes de l'extraction et du pillage sont progressivement mis à nu par les études de provenance, les revendications discursives de l’ethnologie muséale ou des études sur l’histoire de l’art ne sont pas exemptes de critiques. En fin de compte, le processus de guérison nécessite des modèles d'analyse externes et hétérogènes combinés à une pléthore de nouvelles perspectives et de « pratiques de liberté » expérimentales. Les artistes sont les ingénieurs dans cette ligne de conduite réparative. Cependant, aucun·e artiste n'a besoin d'être l'équivalent d'un·e conservateur·rice ou d'un·e expert·e en études régionales pour travailler sur la question du doute chronique retrouvé dans les collections muséales. Avec un « œil voyageur » (Michel de Certeau), on s'émancipe du discours « maître-explicateur » (Jacques Rancière) et se promène avec une orientation ludique dans le maquis des collections. Le domaine métaphorique de la liminalité, de l'ombre, et de l’opacité, peut empêcher une résolution dans une lexicographie typique du discours académique avec ses embranchements coloniaux.

Clémentine Deliss travaille aux frontières de l’art contemporain, de l’anthropologie critique, de la pratique curatoriale et de l’édition. Elle est Curator at Large au KANAL-Centre Pompidou, à Bruxelles, où elle élabore son modèle de musée- universitaire métabolique, et professeure honoraire d’histoire de l’art à la University of Cambridge dans le cadre de l’initiative « Global Humanities ». Elle a été directrice du Weltkulturen Museum de Francfort-sur-le-Main, où elle a mis en place un laboratoire transdisciplinaire pour remédier les collections selon un paradigme post-ethnologique. Elle a été curatrice associée au KW Institute for Contemporary Art, à Berlin (2020-2023). Son exposition Skin in the Game comprenait des prototypes inédits par des artistes contemporains dont Otobong Nkanga, Rosemarie Trockel, et Joëlle Tuerlinckx. Skin in the Game: Conversations on Risk and Contention est paru en décembre 2023. Son livre The Metabolic Museum (2020) est une référence pour repenser le rapport des collections à leur histoire et leur réactivation.
 

 

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Musée-universitaire métabolique, planches associatives. 2022. Crédit Eva Stenram pour MM-U
Musée-universitaire métabolique, planches associatives. 2022. Crédit Eva Stenram pour MM-U