La Part de l'Oeil #37 | Surprendre le temps, continuer l'espace.

La division lessingienne à l'épreuve des arts


Auteur(s) : Giovanna BartucciMarta BattistiJan BlancSusanna CavigliaEmilie ChedevilleRalph DekoninckJudith DelfinerJérôme DuwaNicolas-Xavier FerrandBarbara GeraciAgnès GuiderdoniEtienne JolletNathalie KremerLudivine Le Chêne Yuna Mathieu-ChovetChakè MatossianLaurent PayaMaud Pérez-SimonHérica Valladares

Ce numéro de revue part d’un étonnement que ressentira quiconque s’interroge sur la spécificité des arts et donc sur leurs frontières représentationnelles – ne fût-ce que dans le but de mieux comprendre les jeux d’interférences et les pratiques d’hybridation artistique qui les caractérisent. Cet étonnement porte d’une part sur l’écart entre la théorie et la pratique des arts, et d’autre part sur l’historicité de concepts que l’on voudrait tenir pour permanents ; il concerne, ainsi, la légitimité des définitions et des catégorisations de réalités artistiques mouvantes mais généralement cloisonnées. La théorie de l’art n’a pourtant peut-être jamais été, depuis l’Antiquité, qu’une histoire de partage entre les formes artistiques.

Cette théorie classique de l’art trouve sa formulation la plus répandue dans l’adage horatien ut pictura poesis, qui pose un parallélisme entre une peinture définie comme « poésie muette » et une poésie définie comme « peinture parlante ». « Lisez l’histoire et le tableau, afin de connaître si chaque chose est appropriée au sujet », recommandait Poussin à Chantelou lorsqu’il lui envoya le tableau de La Manne. Ce parallélisme est toutefois de plus en plus remis en question à la fin du XVIIe siècle par des théoriciens qui visent à souligner la différence artistique et donc la spécificité des arts bien plus que leur parenté. Le célèbre Laocoon ou Des frontières respectives de la peinture et de la poésie de Gotthold Ephraim Lessing, paru en 1766, marquera l’apogée de cette approche critique.  

Deux cent cinquante ans plus tard, la conceptualisation lessingienne a toujours de quoi étonner. Tout d’abord, parce qu’elle s’est imposée durablement dans la théorie esthétique malgré ses maintes remises en question ; ensuite, parce que cette conceptualisation n’a cessé d’être déjouée dans la pratique. Les spécialistes de la littérature comme les historiens de l’art l’ont souvent souligné depuis le milieu du XXe siècle, et c’est aussi ce qui a motivé le projet de ce numéro de La Part de l’œil. L’ambition des études réunies ici est en effet d’interroger la pertinence, les enjeux et les effets de la catégorisation lessingienne, non pas dans le but de revenir à un ut pictura poesis inadéquat à la réalité des arts plastiques et littéraires, mais de questionner cette (confortable) catégorisation vis-à-vis des différents media depuis le Moyen Âge, en montrant que plusieurs formes de temps et d’espace sont expérimentées dans l’ensemble des arts qui n’ont cessé de déjouer, de transgresser, voire de reformuler ces catégories lessingiennes de la représentation – et cela déjà bien avant le développement de l’impressionnisme dans l’histoire de la peinture, ou le Coup de dés mallarméen en littérature.
 

Date de parution : 2023 (janvier)
Format : 21 x 29,7 cm.
Reliure : cousu fil de lin
Illustrations : 191 ill. en n./b. et couleur.
Pages : 384
Prix public : 36,00 €
ISBN : 978-2-930174-55-6

 

Sommaire :

  • Nathalie Kremer & Susanna Caviglia : Suspendre le temps, continuer l’espace : La division lessingienne à l’épreuve des arts. Introduction

Le temps des images

  • Jan Blanc : Stilleven, ou le temps des choses dans la peinture néerlandaise du XVIIe siècle
  • Étienne Jollet :  Le fond comme suspens : le cas de Tiepolo
  • Ralph Dekoninck : Le coup de la Grâce. Temps et martyre au premier âge moderne

L’espace des mots

  • Hérica Valladares : Comment peindre une ekphrasis ? L’offrande à Vénus de Titien et les limites de la description
  • Ludivine Le Chêne : Le suspense en suspens dans les romans de Gomberville
  • Nathalie Kremer : La toile de Pénélope. Procédés littéraires d’espacement du récit dans l’Odyssée

Parcours de l’oeil

  • Maud Pérez-Simon : Spatialisation des mots et des images sur les plafonds peints du Moyen Âge
  • Laurent Paya : Scénographier l’espace et le temps dans les jardins de la Renaissance : perspectives chronotopiques
  • Émilie Chedeville : Accéder à l’éternité : la chapelle de la Communion à Saint-Merry

Le temps de lire

  • Marta Battisti : Narrer le temps dans les représentations de l’Écriture. Évangélistes, Prophètes et Sibylles dans trois décors à fresque de Fra Angelico, Filippino Lippi et Cristoforo Roncalli (XVe - XVIIe siècles)
  • Nicolas-Xavier Ferrand : Monet et la juxtaposition : vers une nouvelle perception spatio-temporelle de la réalité ?
  • Agnès Guiderdoni : Le temps stratifié et le temps densifié de l’image : de l’emblème à la représentation peinte (XVIe - XVIIe siècles)

  • Yuna Mathieu-Chovet : Pour une abstraction purement approximative
  • Barbara Geraci : ARCHIVER LES SILENCES

Varia

  • Jérôme Duwa : « Qui pouvait me guider ? » Hypothèses sur cinq photographies de Cy Twombly
  • Judith Delfiner : Jay DeFeo – Circularités
  • Chakè Matossian : Jurgis Baltrušaitis et l’entrelacs. Logique de la distorsion
  • Giovanna Bartucci : Marie Madeleine et le complexe d’Œdipe. Faut-il de nouveaux récits dans la psychanalyse contemporaine ?

_

Annonce Fabula : https://www.fabula.org/actualites/112163/suspendre-le-temps-continuer-l-espace.html

Image
couverture de la Part de l'Oeil #37