Histoires de miroirs
Le projet HISTOIRES DE MIROIRS vise à motiver toute une génération de jeunes Kinois et des Bruxellois à OSER regarder leur(s) histoire(s) en face, afin de pouvoir imaginer ensemble de nouveaux chapitres de leur coexistence, qui ne souffrent plus de la violence du passé, mais sans vivre dans l’ignorance.
Une collaboration entre la Vrije Universiteit Brussel (VUB), l'Académie des Beaux-Arts de Kinshasa et l'ArBA-EsA
texte : © VUB
À l’occasion de la mission de la région Bruxelles-Capitale à Kinshasa, initialement prévue dans le cadre du 60e anniversaire de l’indépendance du Congo, qui se tiendra du 19 au 26 mars 2022, la Vrije Universiteit Brussel (VUB) est été mandatés pour réaliser conjointement un projet artistique qui se tiendra simultanément dans les deux capitales.
La VUB a développé depuis de nombreuses années une expertise forte en matière de « diplomatie culturelle ». Il s’agit d’une pratique qui cherche à célébrer la ville de Bruxelles dans toute sa diversité comme un haut lieu de culture, et ceci en développant des liens intenses avec une variété de villes partenaires dans le monde et depuis 2019, particulièrement avec l’Afrique, notamment Kinshasa, la capitale de la RDC. Cette expertise va nous permettre de créer un pont durable entre Kinshasa et Bruxelles, afin de garantir l’ouverture d’un nouveau chapitre dans les relations bilatérales tant au niveau culturel qu’académique.
Notre lecture, ou plutôt « nos lectures » de ce passé commun sous le régime colonial y sont pour beaucoup dans la complexité et à la difficulté de pouvoir l’observer avec sérénité et exactitude, de plus elles fluctuent avec le temps. Il n’aura échappé à aucun observateur attentif de la question du passé commun et de son héritage dans nos villes fait l’objet d’un intérêt renouvelé et souvent critique ces dernières années. Dans les médias ces sujets – commissions parlementaires, groupes de travail sur les traces du passé colonial dans nos villes, la problématique de la restitution du patrimoine culturel et la décolonisation de la ville en général – reçoivent une place prépondérante.
À l’heure où une importante mission de la Région Bruxelles-Capitale se rend à Kinshasa, le moment est donc plus qu’opportun de se demander : « qui sommes-nous dans la lumière de ces histoires communes ; que désirons-nous nous rappeler de ce passé inconfortable ; et quelles actions communes aimerions-nous entreprendre afin de mieux nous connaitre et de pouvoir aborder le passé ensemble dans un esprit lucide et décomplexe ?
Voilà pourquoi dans l’élaboration de ce projet, deux mots clés se sont rapidement distingués : d’abord l’idée de l’HISTOIRE, ou des histoires. Ces histoires qui nous lient et qui ont fait le sujet d’amples études par des académiques de la RDC comme en Belgique et ailleurs, et dont les résultats, les constats, les confirmations comme les surprises sont insuffisamment divulguées dans l’opinion publique. Ceci créant une situation qui ouvre la voie aux spéculations nébuleuses et des prises de position tendancieuses qu’on rencontre souvent au cœur des débats les plus houleux accompagnant le processus de décolonisation. Puis est venue l’idée du MIROIR, tout d’abord comme l'outil optique permettant un renversement du regard, et qui devient donc inévitablement le symbole d’une volonté d’aborder le passé dans une approche fraiche et précise ; mais aussi MIROIR comme instrument de confrontation, la surface impitoyable qui reflète avec exactitude la personne qui la regarde et que nous sommes, sans aucun moyen d’y échapper.
Le projet a été conçu par Henri KALAMA AKULEZ, directeur général de l’Académie de Beaux-Arts de Kinshasa et Hans DE WOLF, professeur à la VUB. Ensuite il a été raffiné et développé par les différents collègues et institutions partenaires qui nous soutiennent. L’idée de base part d’une situation imaginée dans laquelle nous confrontons une étudiante ou un étudiant de master de l'Académie de Kinsahasa et une de l’Académie de Bruxelles aux thèmes de la colonisation dans l’histoire et la décolonisation de nos sociétés aujourd’hui. Nous présumons que dans les deux cas l’étudiant(e) se trouvera rapidement dans une situation d'inconfort face au manque d’informations fiables. Nous voulons comparer cette situation avec un jeu de puzzle. L’étudiant(e) sort de mémoire les cinq ou six éléments qu’elle ou il associe spontanément avec ces thèmes, comme s’il s’agissait de cinq ou six pièces d’un puzzle déposées sur une table… bien qu’il en faille peut-être quarante ou quarante-cinq afin d’obtenir une image complète d’une certaine situation liée aux sujets.
Pourtant, cette information existe bel et bien et elle est disponible. Seulement, elle a été acquise par des historiens et autres spécialistes de l’époque coloniale qui l’expriment par le biais des articles scientifiques et des livres qui trouveront difficilement le chemin de l’académie de Beaux-Arts et ceci ne devrait même pas être le but. Nous sommes intimement convaincus que les processus créatifs qui se trouvent à l’origine de la création artistique possèdent une identité propre et suivent une logique qui est leur est intrinsèque. Ce sont en plus de biotopes fragiles qui demandent à être protégés. Il s’agit donc de trouver un moyen de faire partager cette mémoire active apporté par les collègues historiens sans pour autant brusquer cet équilibre de création artistique. C’est cela tout l’enjeu de ce projet.
Les collègues historiens seront donc invités à rejoindre régulièrement les ateliers de création en master dans les deux académies. Ils y trouveront un séminaire composé d’une quinzaine d’étudiants en plein travail autour des questions stipulées au début de cette note. Ils participeront aux débats en cours de façon informelle en répondant aux questions des étudiants, mais aussi en les enrichissant avec des narrations inspirantes et en introduisant aux étudiants les protagonistes qui ont le plus marqué tel ou tel aspect de cette histoire commune.
Il nous semble inévitable que les « puzzle » à compléter ne soit pas le même dans les deux villes et que les questions posées soient différentes. C’est bien pour cette raison qu’il nous semble indispensable qu’un dialogue entre les deux séminaires s’installe dès le début.
HISTOIRES DE MIROIRS a été conçu comme un exercice de décolonisation offert au même temps aux étudiants de master dans l’Académie de Beaux-arts de Kinshasa et l’Académie de Beaux-arts de Bruxelles. Durant l’élaboration de leurs projets les étudiants dans les deux séminaires – qui maintiennent un contact permanent par vidéoconférence – vont recevoir la visite des historiens qui ont étudié en profondeur les questions qui accompagnent ces mouvements historiques et sociétaux. Les historiens vont joindre les étudiants dans leur quête d’une compréhension claire et libératrice de cette page commune de l’histoire tout en respectant le caractère artistique de leur travail. Le projet est conçu comme un dialogue permanent entre Bruxelles et Kinshasa en prendra la forme d’un séminaire durable (organisé chaque année) qui se comprend comme la contribution des académies et des universités des deux villes ENSEMBLES à un débat qui est d’une grande actualité pour cette génération de jeunes citoyens.
Deux modules de recherche intercursus exploreront les questions liées à l'histoire et à la mémoire dé-coloniale :
- Le commun des mortel.le.s : Mémoires matérielles et immatérielles (Nora Fluckiger Al Zemmouri / Juliane Lusson)