Margot JOURQUIN, alumni du cursus Photographie, diplômée en 2020, lance son livre " Transi" aux éditions Kult Books.
Lancement le 12 janvier 2024 à partir de 18h30 au Tipi Bookshop, Rue Hôtel des Monnaies, 186 1060 Bruxelles Saint-Gilles
ENG
Between the finite human life and death, there is a suspended moment in which one passes from one to the other. Those who bear witness to this transition are the caretakers responsible for performing the final treatment. They cleanse the bodies, dress them, comb their hair and arrange them in a peaceful repose for the very last time. The caretakers attend to the deceased almost as if they were living, a testament to a uniquely human trait that has existed throughout time and across all cultures. The performance of these last rituals is a human way to demonstrate the ability to face and address mortality. In her debut book Transi, Margot Jourquin documents this liminal instant between the two realms and the people who prepare the dead for their burial.
“I enter with the funeral home employee into a small, sterile room in the basement of a hospital. It's lit by neon lights, the floor is of linoleum. There are metal stretchers, metal fridge doors, metal tools. The zinc coffin lid, screws, a soldering iron. The only thing that warms the atmosphere slightly is the presence of fabrics. White sheets, pillows, decorated blankets. The funeral home employee takes the stretcher out of the fridge and gently lifts the sheet. I observe the scene through the camera viewfinder. I'm hiding, in fact. We're here for Mrs. R, an elderly woman with smooth grey hair.
Shortly after I'm left alone with Mrs. R. I begin to really look at her, not focusing on making photos anymore. There are two of us in the room, and yet, I am alone. I can't comprehend that she's dead. I watch for any movement in her hands or in the sheets. By staring so intently, I get the feeling that they are moving. I fear she might open her eyes. I dare not turn my back on her. Confronted with something I can't understand, I'm petrified and frozen still.”
-Margot Jourquin
FRA
Entre la vie limitée et la mort éternelle, il existe un moment suspendu : c’est le moment du passage de l’un à l’autre. Dans cet interstice poreux entre les deux mondes il semblerait presque que les morts puissent revenir, qu’ils puissent faire le chemin inverse. Les témoins de cette transition, ce sont celles et ceux qui se chargent d’opérer le passage, qui réalisent les derniers gestes, les derniers soins. Nettoyer le mort, l’habiller, l’installer, même lorsqu’il ne sera pas présenté à la famille, lui rendre la dignité et la pudeur que confisque la mort en faisant du corps un objet. Pendant ce moment, ces travailleur·euse·s s’occupent des morts presque comme des vivants, témoignage d’une spécificité humaine qui en tout temps et tout lieu a existé. En entourant nos morts de rituels, l’humain montre toute sa capacité d’adaptation à sa condition mortelle, lutte contre elle, la dépasse.
"J’entre avec l’employée des pompes funèbres dans une petite pièce aseptisée au sous-sol d’un hôpital, éclairée par des néons. Au sol il y a du linoléum. Il y a des brancards en métal, des portes de frigo en métal, des outils en métal. Le couvercle du cercueil en zinc, des vis, un fer à souder. La seule chose qui réchauffe un peu l’atmosphère, c’est la présence de tissus. Draps blancs, oreillers, couvertures décorées, froufrous blancs moirés. L’employée des pompes funèbres sort le brancard du frigo et soulève doucement le drap. Je regarde la scène au travers du viseur de l’appareil photo. Je me cache derrière, en fait. On est là pour Madame R. C’est une femme âgée aux cheveux lisses et gris.
Plus tard, je me retrouve toute seule avec Madame R. Je commence à la regarder vraiment, sans l’appareil photo. On est deux dans la pièce et pourtant je suis toute seule. Je ne comprends pas qu’elle est morte, je guette le moindre mouvement dans ses mains, dans les draps. A force de regarder fixement, j’ai l’impression qu’ils bougent. J’ai peur qu’elle ouvre les yeux. Je n’ose pas lui tourner le dos. Confrontée à quelque chose que je ne peux pas comprendre, je suis figée, médusée."