L’arc narratif de ma démarche artistique est la communication de l’intimité et plus précisément la recherche de la matérialisation de celle-ci. J’extériorise l’insaisissable à travers la réalisation d’abris textiles en passant par le geste comme espace de cette monstration/confession et où le textile servirait de support pour matérialiser cette intimité, racontée et construite par le mouvement de la main et de l’entrelacement du fil. Avec le textile, je donne un début de réponse et, ce, de façon métaphorique. Je concrétise ce que l’intime représente pour moi et je représente une certaine sensibilité. Je veux surtout parler du geste, du geste de la main. Outil précieux pour ma part, car c’est avec mes mains que je donne corps à mes pièces textiles, et surtout je transmets ce que je veux dire grâce à la dentelle ou au tricot. Là où la parole n’a plus besoin d’expliquer ce qui se passe car la réalisation retrace elle-même les heures passées à l’ouvrage pour le confectionner. Je ne veux pas faire l’apologie de celui-ci, mais je veux vous faire part du côté sensible du geste, de la poésie qui peut s’en dégager. Plus qu’un outil, c’est une intelligence. Elle se situe à la limite de l’inconscient car même si le geste est dicté par une pensée logée plus haut dans mon cerveau, il y a toujours un moment où la main reprend le contrôle, dans le sens où à force de répéter sans cesse le même geste, apparaissent une sorte de transe et de méditation. Le cerveau s’évade. Inconsciemment il ne donne plus de consigne à la main. C’est elle qui prend le relais et réalise la pièce textile. C’est quand le geste n’est plus contrôlé, que se dévoilent toutes les subtilités de la réalisation à la main, tous ces petits défauts non prémédités qui constituent la sensibilité et la fragilité de la pièce. Ce sont certes des erreurs, mais des erreurs magnifiques. —————————————————————————-
“Après avoir fait une licence en design textile à la Cambre, Iris Frère se tourne vers les arts textiles et la tapisserie à l’Académie des Beaux Arts de Bruxelles où elle termine son master. Sa pratique s’émancipe d’un apprentissage lié à la tapisserie et s’ancre dans le travail de tous les médiums textiles. Tissage, dentelle, tricot, motifs. Tout ce qui va questionner le fil et l’entrelacs et qui va amener le fil à raconter une histoire. L’arc narratif principal de sa pratique évolue autour de l’abri et lui permet le partage d’une intimité certaine. De plus, le temps et la technique nécessaires à la fabrication de ses pièces textiles amènent le processus au devant des projets. Un geste, long et laborieux, par exemple celui de fabriquer une dentelle, permet à Iris Frère de mettre tout son corps et son esprit dans ses pièces. Elle leur confère par ce rituel la qualité d’objets intimes et, par la suite, de devenir des installations où le spectateur pourra pénétrer, et partager son intimité. L’idée de la découverte et du partage des intimités amène Iris à proposer au spectateur des pièces qui parlent de la temporalité de l’atelier. Celle de la fabrication. Elles témoignent du travail de l’artiste et développent le rapport admiratif que le spectateur peut avoir avec la pièce qu’il observe. Par le détournement de la technique pure, Iris Frère s’ouvre le champ des possibles dans l’élaboration de sa pratique artistique. Loin d’être cantonnée à la production d’objets artisanaux, elle développe des projets sculpturaux d’envergure, qui questionnent également la liberté de l’artiste face aux techniques traditionnelles.” Texte de Céleste Alicot