Si je devais parler de ma pratique en quelques lignes, je dirais qu’elle relationne entre les corps et le vivant, les accidents et la maîtrise, la poésie et la politique. S’il fallait préciser davantage, je dirais alors trois mots : en friche, empathie, engagement. Tout d’abord, parce que les friches, ces lieux où le vivant reprend sa place, en abondance dans des zones polluées, les guérit par les végétaux et ses microcosmes, incarnent pour moi une liberté du vivant en son existence première. Incontrôlables, les plantes vivaces pousseront sans que l’humain ne puisse les dompter. Il y a les rythmes des saisons, l’éphémère d’une pousse, d’un gel, du soleil. Il y a les couleurs, les matières, les bruits, les imaginaires.
Ensuite, l’empathie. Oui, en être touchée, traversée. Se laisser imprégner des formes, prendre soin des lieux, ramasser les déchets, cueillir au printemps avec précautions. Apprendre de celles que l’on connaît si mal, que l’on qualifie de mauvaises herbes. Les photographier, les identifier. Nous ne pouvons plus ignorer quelque chose que l’on connaît, que l’on nomme. J’y vois la gravité de la fragilité, la force de la résilience, la nécessité de la protéger.
Voilà pourquoi l’engagement. Un engagement entier et militant, par la poésie, je mets des mots, je dénonce ceux qui tentent de bafouer cet environnement en friche. Je crie même, je blâme et pointe du doigt les coupables d’un massacre écologique, d’un massacre des relations inter-espèces et des fausses illusions. Il y a des lieux comme cela, des MAD, des Marais à défendre. Des ZAD, des zones fertiles et fécondes. Des endroits qui donnent vies, qui donnent corps, qui ramènent à nos propres vulnérabilités.